Les techniques utilisant une prothèse mammaire
Prothèse mammaire seule
C’est la solution réputée la plus simple techniquement (en fait si l’indication n’est pas bonne, les choses peuvent devenir très compliquées). Elle consiste à introduire par la cicatrice de mastectomie une prothèse sous le muscle grand pectoral. L’enveloppe de cette prothèse est en silicone et le contenu est composé de gel de silicone. Cette technique ne nécessite pas de cicatrice supplémentaire, ni de prélèvement musculaire. L’hospitalisation est de 3 à 4 jours. Les inconvénients principaux sont:
– Le risque de durcissement et de déformation du sein (c’est la coque périprothétique ).
– Une symétrie mammaire durable rarement obtenue (le sein prothétique ne “ vieillit ” pas de la même manière que le sein restant).
– Le risque de rupture de la prothèse et, si celle-ci est négligée, celui de siliconome en cas de prothèse pré-remplie de gel de silicone. Il faut retenir que les prothèses ont une durée de vie limitée imposant de se poser la question de changer ces prothèses environ tous les 10 ans (avant, en cas de problème; après, si tout est parfait). Actuellement, nous utilisons les prothèses pré-remplies de gel de silicone qui donnent de meilleurs résultats morphologiques et une consistance plus satisfaisante que celle gonflées au sérum physiologique. Une surveillance échographique de la prothèse est aisée en même temps que l’échoraphie du sein controlatéral.
Expansion tissulaire par prothèse puis prothèse définitive
Elle consiste à distendre progressivement la peau thoracique du muscle grand pectoral par une prothèse gonflable. Le chirurgien injecte du sérum physiologique à travers une petite valve placée sous la peau. Le rythme est en général hebdomadaire et dure deux à trois mois. Ensuite lors d’une deuxième intervention, il remplacera cette prothèse gonflable par une prothèse définitive. Les avantages de cette technique sont de pouvoir reconstruire des seins de volume conséquent et de donner la possibilité à la patiente d’apprécier le volume souhaité. Les inconvénients sont les mêmes qu’avec une prothèse seule avec un temps opératoire supplémentaire et les contraintes liées au gonflage hebdomadaire. Enfin cette technique n’est utilisable que lorsque les tissus locaux sont de bonne qualité ; elle est moins indiquée en cas d’irradiation de la paroi thoracique (radiothérapie), ce qui en réduit beaucoup les indications. De plus, si le chirurgien maitrise bien la technique du lambeau abdominal, cette technique d’expansion ne trouve que peu d’indication.
Lambeau musculocutané de grand dorsal avec prothèse
Lorsqu’il existe un tissu cutané de mauvaise qualité ou un déficit cutané quantitatif trop important pour obtenir un résultat satisfaisant par prothèse seule, il faut apporter du tissu sain bien vascularisé. Cette technique consiste à transférer sur le thorax, de la peau et du muscle provenant du dos de la patiente par un tunnel sous-cutané, et de mettre en place une prothèse sous le lambeau pour donner le volume souhaité. C’est une technique classique et bien codifiée. Les inconvénients sont ceux liés à l’utilisation d’une prothèse, la présence d’une cicatrice dorsale et la gêne dorsale transitoire liée au prélèvement, la différence de couleur et de texture de la peau donnant un effet de “ pièce rapportée ”, et la survenue de séromes dorsaux (poches de liquide dans le dos) qui peuvent nécessiter plusieurs ponctions durant la période post-opératoire. Nous n’utilisons cette technique seulement si la patiente a une prothèse controlatérale, mise en place lors d’une augmentation mammaire précédente.
Les techniques sans prothèse mammaire: reconstructions autologues
Lambeau de grand dorsal sans prothèse ou LGDA
Le lambeau de grand dorsal sans prothèse ou lambeau de grand dorsal autologue (LGDA) est une technique mise au point dans notre équipe en 1992 et utilisée pour la première fois en 1993. Elle est de plus en plus utilisée, et grâce aux différentes améliorations techniques proposées, elle s’impose progressivement comme la technique donnant les résultats les plus naturels et les plus constants en des mains entrainées. Comme dans la technique classique du lambeau de grand dorsal, on transpose sur le muscle grand dorsal différentes zones graisseuses du dos qui se servent du muscle comme vecteur pour rester vascularisées. Le volume du lambeau est ainsi considérablement augmenté et permet de se passer de prothèse dans environ 97 % des cas (en intégrant le temps de lipomodelage). En cas de reconstruction différée, nous combinons le plus souvent un lambeau d’avancement abdominal qui permet de gagner du volume et de créer l’apport cutané qui recevra le lambeau qui donnera le volume souhaité. La palette cutanée peut être alors souvent supprimée et enfouie, évitant dans ce cas l’effet de pièce rapportée. En cas de reconstruction immédiate, il est très souvent possible de réaliser une mastectomie avec conservation de l’étui cutané : le lambeau est alors enfoui dans sa plus grande partie, à l’exception d’un rond aréolaire qui servira ultérieurement à refaire la plaque aréolo-mamelonnaire (mamelon et aréole).
C’est une technique fiable donnant une consistance et une forme naturelles au sein reconstruit. Celui ci s’intègre bien dans le schéma corporel de la femme. Ses inconvénients sont : la cicatrice dorsale (actuellement très limitée), la douleur dorsale post-opératoire bien maitrisée par la Naropeine et les morphiniques), la gêne dorsale transitoire, et la survenue de séromes dorsaux (poches de liquides dans le dos) qui peuvent nécessiter plusieurs ponctions durant la période post-opératoire. Ce dernier inconvénient a été réduit de façon importante par la technique du capitonnage dorsal mise au point en 2006. Lors du temps de reconstruction de la plaque aréolo-mamelonnaire, il est souvent possible d’améliorer le résultat par lipomodelage du sein reconstruit. Cette technique de lipomodelage, dérivée de la chirurgie esthétique du visage, a été mise au point dans le service en 1998 pour corriger d’éventuelles imperfections tel qu’un manque de projection, ou un manque de volume, ou un manque de plénitude de la partie haute du sein. Cette technique consiste à prélever de la graisse sur un site donneur (ventre le plus souvent ou hanches), par liposuccion à la seringue, à centrifuger cette graisse, puis à la transférer dans le sein reconstruit pour améliorer le volume et le résultat. Si cela est possible, le volume du sein reconstruit doit être sur-corrigé de façon à obtenir le résultat symétrique escompté à environ 3 mois post-opératoires. Dans le cas contraire, une séance complémentaire de lipomodelage sera réalisée à distance dès que les tissus seront suffisamment souples pour accueillir encore de la graisse. Le site de prélèvement est le siège d’ecchymoses et d’œdème qui mettent environ 3 mois à disparaître.
Le lipomodelage du sein reconstruit peut être réalisé de la même façon avec la technique du lambeau de grand dorsal avec préservation partielle du muscle grand dorsal (ou muscle sparing latissimus latissimus dorsi MSLD). Cette technique est une variante du lambeau de grand dorsal sans prothèse et consiste à ne prélever que la partie antérieure du muscle grand dorsal. Elle permet dans certains cas sélectionnés de limiter ainsi le prélèvement musculaire. Par contre, elle nécessite souvent un temps de lipomodelage supplémentaire et n’est finalement intéressante que pour les patientes ayant un petit sein et une bonne stéatomérie prélevable.
La dernière évolution de la technique du grand dorsal autologue est la reconstruction mammaire par lambeau dorsal à cicatrice courte (LDCC) qui permet de limiter au maximum la rançon cicatricielle dorsale (on utilise l’ « oreille » de la mastectomie pour faire le prélèvement dorsal. De façon systématique, une greffe de tissu graisseux est réalisée en région intra-pectorale lors du temps initial. Cette technique permet de réduire la cicatrice dorsale et les contraintes dorsales, et est très appréciée des patientes. Cette technique est la technique actuellement la plus avancée en reconstruction mammaire ; nous pensons que, lorsque nous l’aurons suffisamment enseignée et diffusée, elle s’imposera dans les 10 ans, par ses avantages majeurs, comme le gold standard en reconstruction autologue et supplantera les techniques plus anciennes comme le TRAM et le DIEP.
Lambeau de grand droit de l’abdomen (TRAM)
Cette technique utilise la palette cutanéo- graisseuse sous ombilicale nourrie par le muscle grand droit de l’abdomen. Le lambeau est passé sous un tunnel cutané puis modelée. La fermeture abdominale se fait comme lors d’une abdominoplastie (intervention enlevant l’excès de peau et de graisse au niveau du ventre) et engendre donc une cicatrice abdominale inférieure sur toute la largeur de l’abdomen.
L’avantage principal est de pouvoir reconstruire un sein sans ajout de prothèse et de volume important si nécessaire. Les inconvénients sont nombreux : C’est une intervention délicate entraînant une perte sanguine plus importante (possibilité d’autotransfusion), une convalescence postopératoire plus longue qu’avec une reconstruction par muscle grand dorsal, un effet de pièce rapportée sur le sein reconstruit, une fragilisation de la paroi abdominale avec un risque d’éventration. Enfin il existe un petit risque de nécrose partielle de la palette transférée , qui peut conduire à réaliser une reprise chirurgicale (ce risque est plus important chez les fumeuses, les diabétiques, et en cas d’antécédents de radiothérapie). L’indication idéale de cette technique est la patiente qui présente un excès cutanéo-graisseux abdominal inférieur dont elle souhaite réaliser la correction par une abdominoplastie.
Lambeaux libres micro-chirurgicaux
Il s’agit principalement des lambeaux libres de grand droit de l’abdomen (TRAM libre ou DIEP) et de grand fessier inférieur. La peau, la graisse et le muscle de ces sites donneurs sont prélevés après avoir coupé les vaisseaux (l’artère et la veine) qui les nourrissent ; pour que les tissus restent vivants, les vaisseaux seront réanastomosés (recousus) à des vaisseaux proches du thorax à l’aide de lunettes grossissantes ou d’un microscope opératoire. Ce sont des interventions longues et délicates avec des contraintes techniques importantes (microscope, travail en double équipe) et un risque de nécrose totale du lambeau. Les indications de cette technique sont pour nous rares, voire exceptionnelles, et ces interventions sont réservées pour nous aux cas pour lesquels les autres techniques ne sont pas utilisables dans de bonnes conditions.
Reconstruction mammaire par lipomodelage exlusif
Cette technique nouvelle technique de reconstruction mammaire autologue a été mise au point en 2001 dans notre équipe. En effet constatant l’efficacité importante du lipomodelage (développé en 1998 dans notre équipe) en complément des reconstructions par lambeaux, nous avons proposé de reconstruire le sein par des transferts graisseux itératifs. Cette trchnique est en plein développement dans le monde, notamment en complément du systême BRAVA. Les indications idéales sont les patientes ayant un petit sein et présentant un excès graisseux important au niveau des cuisses et/ou du ventre. Elle consiste à reconstruire le sein en plusieurs étapes par des transferts itératifs de tissu graisseux. Son principe est séduisant car elle permet d’obtenir une reconstruction autologue avec peu de contraintes post-opératoires et peu de séquelles au niveau du site de prélèvement, voire dans certains cas un bénéfice secondaire sur le site de prélèvement. Notre travail de développement et d’évaluation consiste à mettre au point les artifices techniques visant à en élargir les indications, notamment pour l’utilisation combinée d’un dispositif d’expansion externe type BRAVA, développé afin d’expandre les tissus locaux pour faciliter la greffe de tissu graisseux. L’évaluation est en cours pour connaître les indications dans lesquelles le bénéfice du BRAVA semble le plus important.
Si cette technique est séduisante intellectuellement, elle est concrètement d’indication limitée (moins de 10% des reconstructions mammaires pour un opérateur entrainé).
Reconstruction mammaire par lambeau pectoro-mammaire
Cette technique, mise au point en 1998 dans notre équipe, est d’indication peu fréquente (nécessité d’une gigantomastie du sein controlatéral) mais pourrait voir ses indications augmenter dans l’avenir. Elle consiste à utiliser l’excès de tissu glandulaire controlatéral d’une gigantomastie, pédiculé sur les perforantes du muscle Grand Pectoral, et à le transférer dans le site de mastectomie par un tunnel sous cutané inter mammaire. La peau du sein reconstruit étant reconstruite par un lambeau d’avancement abdominal. Le volume est apporté par le lambeau pectoro-mammaire à pédicule acromio-thoracique. Au niveau du sein donneur, on réalise une réduction par la technique à pédicule supéro-externe, à cicatrices périaréolaire et en « T » inversé. Un deuxième temps chirurgical comprend un lipomodelage, une lipoaspiration des contours mammaires, une plastie mammaire controlatérale éventuelle, et la réfection de la plaque aréolo-mamelonnaire.
Dans cette technique, il est important de souligner que la surveillance clinique et radiologique devra se poursuivre de façon bilatérale, car la patiente se retrouve avec du sein normal sur ses deux seins, avec la possibilité de l’éventuelle survenue d’un nouveau cancer du sein des 2 côtés qui devra alors être diagnostiqué et traité.